Soumis par Claude Maccari le dim 14/03/2021 - 11:00
versant Est du Lachat vu du col des Annes

La CCVT vient de faire sa première communication relative au projet de révision du SCOT FIER ARAVIS depuis la diffusion du rapport du commissaire enquêteur (CCVT info vallées de février 2021). Elle annonce que le projet de SCOT va être modifié pour prendre en compte les consultations et les résultats de l’enquête publique.

Tout d’abord, il nous paraît important de souligner que la philosophie générale du "Projet d’Aménagement et de Développement Durable" (PADD) de ce SCOT est plutôt positive pour le territoire, à l’exception de l’axe relatif à la politique touristique. Néanmoins, force est de constater que la déclinaison opérationnelle des orientations du PADD dans le "Document d’Orientation et d’Objectifs " (DOO) trahit certaines des orientations.

QUELLE CONCERTATION ?

La première question à se poser avant toute chose, c’est comment les modifications du projet de SCOT vont-elles être conduites !

Nous savons déjà que la CCVT propose des modifications à la révision du SCOT, en réponse aux avis des Services et Personnes Publiques Associées, et des contributions émises. C’est ce qui a permis au commissaire enquêteur de rendre un avis favorable au SCOT, en émettant toutefois des réserves et des recommandations. D’ores et déjà on peut noter que 3 projets ont été supprimés, au titre des Unités Touristiques Nouvelles (UTN) Structurantes, il s'agit des UTNS 1-2-7, projets de Club Méditerranée aux Chenons, (La Clusaz), à la Joyère (Grand Bornand), et la création de remontées mécaniques dans le site vierge de la Combe de la Creuse (La Clusaz). 

La CCVT, au regard des nombreuses remarques et autres avis, prévoit-elle de reprendre le SCOT au niveau du PADD, ce qui induirait une nouvelle enquête publique avant la phase d’approbation ? Ou alors la CCVT envisage-t-elle de modifier le SCOT, sans remettre en cause l’équilibre général du projet et ensuite présenter ce projet à l’approbation du conseil communautaire ?

Au regard du nombre d’observations faites par le public (50 courriers, près de 3000 observations) qui montrent tout l’intérêt d’une telle démarche, quelles modalités de concertation et de co-construction avec le public seraient mises en ?uvre ? D’ailleurs le commissaire enquêteur recommande "qu’une restitution de l’enquête publique et de ses conclusions soit envisagée dans le cadre d’une concertation avec les Personnes Publiques Associées et associations publiques locales ou environnementales ".

UN DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE A REPENSER

Nous assistons à un changement de paradigme, ce qui nous semble très préjudiciable à l’environnement. Alors que les stations des Aravis s’inscrivaient dans un développement touristique à visage humain et un cadre de vie préservé et authentique, les stations ont l’ambition de se développer en direction de la clientèle internationale, avec les aménagements correspondants, comme l’extension des domaines skiables, l’interliaison des stations, ce qui permettrait le concept de la marque " Grand domaine des Aravis". Ce modèle de développement touristique dit de "l’or blanc" fondé de manière univoque sur le ski semble aujourd’hui anachronique et prolonge des schémas datant des années 1960.

Avec 75 100 lits touristiques, les stations des Aravis ont déjà une activité importante de 3 millions de nuitées hivernales et 1,3 million de nuitées estivales.

Par ailleurs, l’agrandissement des domaines skiables provoquerait une fuite en avant en ce qui concerne la gestion de l’eau. Plus de remontées mécaniques situées à des altitudes assez modestes nécessitent le développement de la neige artificielle, donc la création de retenues collinaires implantées sur des alpages ou à proximité de zones sensibles. Et ce dans un contexte de réchauffement climatique. Nous sommes bien loin d’un développement doux et maitrisé, respectueux des équilibres et de l’environnement.

Les nombreux défrichements et l’installation de nouvelles remontées mécaniques auront par ailleurs un impact non négligeable sur la beauté des paysages des Aravis. Comme nous l’avons constaté en cette période de pandémie, nos territoires sont restés attractifs.Il serait judicieux de développer des alternatives à la "monoculture" du ski alpin, répondant à un tourisme quatre saisonsen explorant par exemple la totalité des ressources culturelles et paysagères de notre beau massif.

UTNS 1 et 2 : nous restons vigilants quant au devenir de ces projets : le dimensionnement des projets des centres touristiques va-t-il évoluer pour échapper aux règles des UTNS et être soumis aux "seules règles" des UTN Locales (PLU) ?

UTNS 3 : pôle d’hébergement collectif et équipement sportif au Crêt de St Jean 

Nous sommes satisfaits de ce projet qui répond à un besoin marqué d’hébergements pour les saisonniers.

UTNS 4 : liaison par le Danay

Jusque-là dédié aux activités agropastorales et forestières ainsi qu'aux balades à raquettes et au ski de fond, c'est un espace vierge qui va être équipé. Si la CCVT a renoncé à la liaison avec Saint Jean, la piste retour station versant Nord est maintenue. Comment justifier la création d’une piste en versant Nord en raison de cette exposition, et prévoir en même temps une retenue pour l’exploitation de cette piste, alors même qu’un des fondements de création de la piste est basé sur un versant qui garantit un enneigement. Ne serait-ce pas là, l'aveu qu'il n'est guère raisonnable d'espérer un enneigement viable à des altitudes moyennes, puisqu'il faut recourir à un dispositif d'enneigement artificiel, même en exposition Nord ?

Enfin, cette liaison entre le Grand Bornand et La Clusaz va avoir un impact bien supérieur à celui décrit dans le projet de révision du SCOT : perturbation de la faune sauvage et dégradation de superbes paysages visibles depuis de nombreux balcons pédestres (hiver comme été).

UTNS 6 : versant Est du Lachat 

Le projet comprend la construction d'un télésiège d'une longueur de 1 km permettant de remonter vers le sommet de la vallée du Maroly et la création d'un réseau de 3 pistes et de 2 variantes sur un espace actuellement non dédié au ski et ensoleillé une grande partie de la journée, une exposition qui ne permet pas une bonne qualité de neige. Pour enneiger les deux pistes principales, une retenue collinaire de 50 000 m3 est envisagée. Un projet très contestable, car situé à une altitude relativement basse, nécessitant de la neige de culture, donc un fort besoin en eau, et générant un impact visuel important depuis la vallée du Bouchet et de tous les balcons des Aravis. De plus, le versant Est du Lachat est un secteur d’alpages, indispensables à l'activité agricole. 

UTNS 7 : aménagement de la Combe de la Creuse

Nous sommes satisfaits que ce projet soit abandonné.

UTNS 8 : ascenseur valléen Thônes Beauregard

Cette UTNS s'inscrit dans un contexte de mobilité globale. Problème crucial en ce qui concerne l'accès aux stations saturé hiver comme été. Implantée sur une distance de 6 km partant de Thônes et arrivant à la pointe de Beauregard, la télécabine aurait un fort impact environnemental et paysager (parking de plusieurs centaines de véhicules proche du centre-ville) et ne résoudrait en rien l'acheminement des skieurs séjours.

Il conviendrait d'étudier une autre organisation des transports vers les stations, ce qui aurait aussi l'avantage de répondre aux besoins prioritaires de la mobilité quotidienne.

UNE RESSOURCE EN EAU FRAGILE

La pression sur la ressource en eau générée par l'addition des différents projets et l'évolution de la population est considérable et n'a pas été suffisamment prise en compte dans le SCOT.

Dans un contexte de changement climatique, l’Autorité Environnementale alerte et soulève la fragilité de la ressource en eau et du traitement des eaux usées.

La CCVT annonce que des précisions sur la gestion de la ressource en eau seront apportées, en fonction de la disponibilité des données et en lien avec O des Aravis (Société publique locale gestionnaire des réseaux d’eau et d’assainissement). Néanmoins, il est précisé que l’impact de l’évolution démographique et de la fréquentation touristique du territoire sur les besoins en eau a été intégrée dans le cadre du schéma directeur de l’eau. Quelles sont les modalités pour intégrer ces nouvelles données et modifier le cas échéant le SCOT ?

O des Aravis porte depuis peu un Projet Territorial Gestion de l’Eau (PTGE) sur le territoire. Qu'en est-il de ce projet ? Peut-on insérer les données de ce projet dans le SCOT ?

Une exploration minutieuse du site de "O des Aravis" ne permet pas d'avoir connaissance du PTGE. Or, ce document est essentiel pour apprécier le degré de pertinence de la politique de gestion des ressources hydriques. Comment celles-ci sont-elles quantifiées ? Le sont-elles seulement en l'état actuellement constaté, ou font-elles l'objet de projections à l'horizon d'une, voire deux décennies ? Une telle anticipation s'avère nécessaire, compte tenu d'un inévitable "effet de ciseau" entre les courbes démographiques et d'état des stocks hydriques. La première est promise à un accroissement, alors qu'aucune progression n'est à attendre - bien au contraire - pour la seconde, si l'on en croit les prévisions climatologiques.

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UNE EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE SUREVALUEE

Le taux de croissance annuel de la population est une hypothèse de travail fondamentale pour la révision du SCOT à l’horizon de 2030. De cette projection démographique découlent les besoins en matière de nouveaux logements, de nouveaux services et donc la pression sur le foncier à urbaniser. 

La CCVT a fait le choix de réaffirmer la projection d’une croissance démographique de 1,2 % alors que la croissance effective annuelle est de 0,74 % entre 2006 et 2018 (source INSEE). Comment peut-on balayer d’un revers de main cette réalité des chiffres ? Comment peut-on ignorer les observations de Personnes Publiques Associées et en particulier celles de l’État qui s’étonnent de cette projection ?

Le SCOT de 2011 proposait une attitude défensive et anticipait la demande. Cette révision inverse la stratégie en ouvrant la voie à une offre artificielle de logements pour répondre à une ambition démographique. Nous nous interrogeons sur la pertinence de cette politique tant elle aura d’impact sur l’urbanisation, l’artificialisation des sols, la ressource en eau qui on le sait est fragile, le dimensionnement de nombreux services (écoles, crèches…), la mobilité et au final sur le bien-être quotidien de tous les habitants.

La CCVT dit qu’elle va poursuivre des travaux sur la réhabilitation des lits froids : qu’en est-il ? 

La CCVT indique que le sujet de la mixité sociale au sein des logements sera retravaillé avant l’approbation du SCOT : comment ce travail sera-t-il conduit ? Avec qui ? Quel est l’objectif ? 

Concernant l’économie du foncier, nous constatons que l’ambition des élus de s’engager dans une trajectoire de développement maîtrisé permet de limiter l’impact de l’urbanisation sur la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers à long terme. Notons que le développement urbain se fera prioritairement au sein des espaces urbanisés existants, en mobilisant le potentiel des dents creuses pour la production de logements. Cette consommation d’espace est en recul de – 70 ha par rapport aux prévisions du SCOT de 2011, ce qui est une avancée positive !

De plus il serait souhaitable de proposer une densité minimale d’emplois (nombre minimal d’emplois par hectare pour toute nouvelle implantation) pour les zones d’activités du territoire et en particulier pour celles qui seraient créées ou étendues. 

LA MOBILITE, UN ENJEU MAJEUR POUR LE TERRITOIRE

Le rapport du commissaire enquêteur précise à plusieurs reprises qu’une étude globale sur la mobilité va s’engager. Il est urgent d’attendre les résultats de cette étude qui devrait apporter des solutions concrètes. Nous espérons que ces solutions concerneront une offre de transports collectifs hiérarchisés, le développement d'un réseau de mobilité douce, continu et sécurisé, l'implantation d'aires de covoiturage et de parkings relais sur des secteurs stratégiques.

Nous constatons que notre réseau, lié aux 3 bassins de vie (Faverges, vallée de l'Arve, Annecy), historiquement surchargé aux périodes hivernales est aujourd'hui saturé au quotidien.

UNE POLITIQUE FONCIERE POSITIVE POUR LES ACTIVITES ECONOMIQUES

Les zones d'activité regroupent le quart des emplois et se sont multipliées sans cohérence. Actuellement elles sont au nombre de 31, souvent sur des surfaces modestes. Le SCOT propose une stratégie différente avec un coup de frein positif à la consommation d'espaces dédiés (de 40 hectares à 12 hectares), une priorité accordée à l'optimisation de l'existant, la hiérarchisation des zones (structurantes, secondaires), la concentration des zones commerciales et la prise en compte de qualités paysagère et environnementale. 

La CCVT annonce que des réflexions seront à mener avant l’approbation sur le projet économique et commercial du SCOT. Il serait pertinent d'insérer dans ces réflexions l’objectif de diversité et de complémentarité des activités économiques dans un souci de résilience économique du territoire.

UNE POLITIQUE AGRICOLE A AMPLIFIER

Nous avons bien noté les réponses apportées par la CCVT aux problématiques soulevées lors de l’enquête publique. Il y a des avancées significatives pour les enjeux agricoles et forestiers. Cependant il apparait que la CCVT :

- ne s’engage pas clairement sur la garantie du maintien du potentiel économique agricole ni la mise en place d'éventuelles compensations environnementales sur des espaces agricoles,

- ne souhaite pas ramener à 2500 m2 maximum la définition des dents creuses,

- ne s’engage pas à une évaluation, par siège d’exploitation, des impacts de l’artificialisation liée à tous les projets d’aménagements (logements, réseaux, parkings,..), ni à la mise en place de la séquence Eviter Réduire Compenser (ERC),

- refuse de comptabiliser en consommation foncière l’emprise des équipements publics sur des espaces non urbanisés,

- ne s’engage pas clairement sur un travail en concertation pour la redéfinition des enveloppes urbaines,

- ne prévoit pas d'identifier les secteurs de déprise agricole pour agir afin de leur redonner une fonction productive.

Nous demandons que ces différents points soient modifiés afin de mieux pérenniser l’activité agricole locale, pour maintenir sa capacité à produire et les possibilités de diversification afin d'améliorer l’autonomie alimentaire.

 

Dans ce texte, nous avons voulu pointer certaines contradictions, certaines incohérences de ce projet et nous posons des questions qui demandent des réponses avant d’arrêter le choix de développement de notre territoire.

Notre collectif est prêt à travailler dans le cadre d’une démarche participative.

Nous serons vigilants à ce que les évolutions proposées et les futurs choix arrêtés respectent notre territoire, nos ressources, notre culture, soient attentives aux conditions de vie de tous les citoyens avec un développement socio-économique durable et solidaire.

 

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